"Fraude au président" : le rôle d'alerte de la banque

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En présence de circonstances inhabituelles laissant suspecter une possible "fraude au président", la banque doit vérifier la régularité des ordres de virement auprès du dirigeant, seule personne contractuellement habilitée à les valider.

Entre le 11 et le 22 décembre 2017, la comptable d'une société a adressé une banque sept ordres de virement d'un montant total de 2.121.903,81 € au profit du compte d'une société située à Hong-Kong.
Trois ans plus tard, affirmant que sa salariée avait agi en exécution de courriels adressés par un tiers usurpant l'identité de son dirigeant, la société a assigné la banque pour obtenir la restitution des sommes versées.

La cour d'appel de Douai a condamné la banque à payer à la société la somme de 1.060.951,90 € en réparation de son préjudice.
Après avoir constaté que la société établissait n'avoir effectué presqu'aucun virement supérieur à 100.000 € et ne pas effectuer de virements vers des sociétés situées en Chine, les juges du fond ont retenu que les ordres de virement litigieux, par leur caractère rapproché et répété, par la période de l'année à laquelle ils intervenaient, leurs montants élevés par rapport aux ordres habituellement donnés et par le fait qu'ils étaient établis au bénéfice de sociétés ne faisant pas partie des relations d'affaires de la société et situées en dehors de l'espace habituel de son activité, auraient dû conduire la banque à se renseigner sur leur validité directement auprès du dirigeant supposé.

La Cour de cassation juge qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir l'existence d'anomalies apparentes affectant les ordres de paiement, la cour d'appel a exactement retenu que la banque était tenue d'alerter la société afin d'obtenir la confirmation des ordres litigieux en exécution de son obligation de vigilance.
Elle rejette le pourvoi de la banque par un arrêt du 2 octobre 2024 (pourvoi n° 23-13.282).

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