Bien qu’Ensemble pour agir (EPA) soit officiellement un think tank et non un syndicat professionnel, la candidature de l’actuelle présidente du CNOEC, Cécile de Saint-Michel, pour un second mandat sous cette bannière est un secret de polichinelle.
Prête à rempiler pour un nouveau mandant au CNOEC, Cécile de Saint-Michel a élaboré un programme visant à faciliter les pratiques et renforcer le rôle de l’expert-comptable.
Déclarer l’intervention d’un expert-comptable lors du dépôt des comptes
La première proposition est d’introduire une attestation obligatoire signée par le dirigeant de l’entreprise lors du dépôt des comptes annuels au registre du commerce et des sociétés (RCS), indiquant si les comptes annuels ont été révisés par un expert-comptable. Cette mesure, inspirée du modèle belge, aiderait à sensibiliser les chefs d’entreprise sur le caractère réglementé de la profession et à créer une donnée exploitable pour les plateformes reprenant les données du RCS et mettant en lumière les entreprises faisant appel à un comptable illégal.
Instaurer un « droit à l’erreur » pour les entreprises
Ce dispositif s’insérerait dans le cadre de la relation de confiance entre l’administration fiscale et les entreprises issue de la loi ESSOC. Il permettrait aux entreprises ne faisant pas appel à un expert-comptable, ou qui auraient recours à un comptable illégal, de régulariser leur situation avec l’aide d’un expert-comptable reconnu. L’accès à ce dispositif ne serait accessible qu’une seule fois dans la vie d’une entreprise afin d’éviter un effet d’aubaine.
Inciter au recours à l’examen de conformité fiscale
L’examen de conformité fiscale (ECF) est un dispositif introduit en 2021 par la loi ESSOC, mais il connaît un succès très mitigé, notamment du fait de la faiblesse des avantages octroyés aux entreprises en contrepartie. Réduire la prescription fiscale à une année pour les exercices ayant fait l’objet d’un ECF constituerait une contrepartie significative qui inciterait les entreprises à avoir recours à ce dispositif.
Bâtir une confiance légitime pour un exercice professionnel serein
Cette proposition vise à transformer le concept de « confiance légitime » en mesures concrètes pour renforcer la sécurité fiscale pour les contribuables et leurs conseils. Le concept de « confiance légitime » repose sur l’impunité d’actions dont l’auteur était légitimement convaincu qu’elles étaient en conformité avec le droit. Si nul n’est censé ignorer la loi, la confiance légitime intervient dans des cas où la loi ne pouvait pas être connue.
Promouvoir la reconnaissance de la signature de l’expert-comptable
La signature de l’expert-comptable joue un rôle essentiel dans le processus de vérification et de conformité fiscale des entreprises, mais cette contribution n’est pas suffisamment reconnue officiellement. En instaurant un système où la signature de l’expert-comptable permettrait un traitement privilégié ou accéléré de certaines démarches fiscales, comme le remboursement de crédits d’impôt ou de crédits de TVA, l’expert-comptable serait en mesure de valoriser sa signature dans le cadre de missions spécifiques.
Adopter une stratégie d’ouverture et non de concurrence entre l’ordre et les éditeurs
La mandature Ensemble pour agir à la tête du CNOEC a engagé une rupture avec les politiques précédemment menées, en cherchant à instaurer une relation constructive entre la profession et les éditeurs, plutôt qu’à se positionner en concurrent. Ce revirement se matérialise par exemple par le fait de proposer la plateforme de dématérialisation partenaire (PDP) développée par l’Ordre en marque blanche aux éditeurs, plutôt qu’à en faire une PDP concurrente. Cette stratégie permettra une indispensable mutualisation des données.
Exploiter le datalake de la profession par le lancement d’un Appstore ouvert aux partenaires
Sous l’impulsion de Boris Sauvage, vice-président du CNOEC chargé du numérique, l’institution a lancé la création d’un datalake regroupant les données issues des flux numériques et de la facturation électronique. Ce datalake sera notamment alimenté par la mutualisation des données générées par la plateforme de dématérialisation partenaire (PDP) ouverte en marque blanche aux éditeurs. L’exploitation de ce datalake devra se faire par la création d’outils spécifiques, notamment de solutions intégrant l’intelligence artificielle.
Créer une agence de notation des éditeurs favorisant le fonctionnement du marché
La création d’outils propres à la profession semble illusoire de par les moyens nécessaires et correspond à une vision d’un souverainisme économique désuet. Les difficultés que rencontrent aujourd’hui les cabinets dans leurs relations avec les éditeurs sont révélatrices d’un fonctionnement défectueux du marché.
En se référant à la théorie de la concurrence pure et parfaite, les conditions nécessaires à un fonctionnement du marché ne semblent pas réunies : atomicité du marché (aujourd’hui, nous sommes sur un marché oligopolistique avec un nombre limité d’éditeurs), l’homogénéité des produits (aujourd’hui, le basculement d’un logiciel vers un autre est rendu laborieux, chacun ayant sa propre structuration), ou encore la transparence de l’information (aujourd’hui, il y a une opacité des éditeurs dans leur politique commerciale, tarifaire ou encore de gestion de la donnée).
Un référentiel de pratiques « qualité » serait défini par des consultants experts dans leurs domaines. Sur la base de ce qui existe sur les marchés financiers (Standard & Poor’s [S&P], Moody’s, Fitch Ratings), une agence de notation serait chargée d’auditer à fréquence régulière chaque solution du marché, et d’attribuer une note. Ces notes seraient diffusées largement auprès de la profession, et pourraient par exemple conditionner le droit d’avoir un stand au congrès de l’Ordre des experts-comptables.