Réforme du pacte Dutreil : vers une transmission d’entreprise familiale facilitée

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Une tribune de Frédéric Thienpont, juriste fiscaliste et directeur associé au sein du cabinet d’expertise comptable GMBA.

Le constat est récurrent en France : les transmissions et cessions d’entreprises sont insuffisantes et cela risque de mettre en péril de nombreux emplois. Parmi les causes de ce phénomène, le manque de préparation, tant psychologique que juridique et fiscale.

Il revient donc à l’expert-comptable de sensibiliser les chefs d’entreprise au plus tôt, l’idéal étant une dizaine d’années avant le départ à la retraite. Cette année 2019 s’y prête particulièrement car la loi de finances a favorisé le développement de l’un des dispositifs les plus avantageux dans le cadre d’une transmission d’entreprise le plus souvent familiale : le pacte Dutreil.

Pour rappel, ce régime de faveur permet sous conditions, de bénéficier d'une exonération partielle d’assiette à hauteur de 75 % de la valeur des titres transmis, sans limitation du montant des droits de donation ou de succession, lors de la transmission à titre gratuit (donation ou décès) des actions d’une société exerçant une activité commerciale, artisanale, agricole, libérale ou industrielle. Et ce, en échange d’un engagement collectif de conservation des titres pendant deux ans et d’un engagement individuel de quatre ans, soit un engagement de conservation de six années au total.

A titre d’exemple, ce dispositif permettrait de transmettre par donation, une société d’une valeur de deux millions d’euros appartenant à un couple à sa fille unique, pour un montant de droits de l’ordre de 60 000 euros au lieu de 450 000 sans ce dispositif, soit une économie de 390 000 euros.

La loi de finances 2019 intègre trois modifications majeures, visant toutes à élargir le nombre de bénéficiaires potentiels du pacte Dutreil.

Abaissement des seuils de détention

Les seuils de détention de titres, parts sociales ou actions, ont été divisés par deux et sont ainsi portés à 10 % des droits financiers et 20 % des droits de vote pour les sociétés cotées, et 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote pour les entreprises non cotées. Cette modification facilite notamment la mise en place du droit de vote double (ou multiple, en société par actions simplifiée), ce qui permet de favoriser l'actionnariat de long terme.

Elargissement de l’engagement collectif de conservation aux personnes seules

Jusqu’à présent, il était nécessaire que plusieurs actionnaires prennent conjointement l’engagement de conserver leurs titres. Depuis janvier 2019, cet engagement peut désormais être pris par une personne seule. Ce qui ouvre le pacte Dutreil aux transmissions de sociétés unipersonnelles : EURL, EARL, SASU… ainsi qu’aux transmissions de sociétés dans lesquelles un associé remplit à lui seul les conditions d’application du régime.

L’engagement réputé acquis (dispositif de secours sous conditions particulières en cas d’absence de souscription d’un engagement collectif) porte désormais également sur les sociétés interposées

Lorsque le donateur, seul ou avec son conjoint, détient depuis plus de deux ans le quota de titres requis pour la conclusion de l’engagement et que l’un d’entre eux exerce son activité principale dans la société à transmettre, l’administration fiscale présume que l’engagement est acquis. Depuis la dernière loi de finances, les sociétés interposées, détenant directement des titres dans la société faisant l’objet de la transmission, peuvent également bénéficier de cet engagement réputé acquis.

L’ensemble de ces assouplissements vont dans le bon sens pour favoriser les transmissions d’entreprises, alors que, selon le ministère de l'Économie et des Finances, 185 000 entreprises sont susceptibles d’être cédées chaque année en France, représentant 750 000 emplois à sauvegarder et 150 000 à créer.

Frédéric Thienpont, juriste fiscaliste et directeur associé chez GMBA

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