Rupture du contrat de travail : des modifications importantes pour les entreprises

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Le groupe de travail Social du réseau d'expertise comptable et d'audit Walter France décrypte les incidences des ordonnances Macron en matière de licenciement dans les entreprises.

Sur le thème de la rupture du contrat de travail, les ordonnances Macron (ratifiées par la loi du 14 février 2018, elle-même validée pour l'essentiel par le Conseil constitutionnel) ont notamment instauré des modèles types de notification de licenciement et sont venues réduire la prescription de la contestation de la rupture par le salarié. Explications par le groupe de travail Social de Walter France.

Notification du licenciement au moyen d'un modèle type

L'ordonnance n° 3 du 22 septembre 2017 permet à l'employeur de notifier au salarié son licenciement en s'aidant d'un modèle type de lettre rappelant les droits et obligations de chaque partie au contrat de travail, que le motif soit personnel ou économique. Le décret n° 2017-1820 du 29 décembre 2017 est venu établir des modèles types de lettres de notification de licenciement.

Six modèles de lettre distinguent ainsi les licenciements suivants :

  • licenciement pour motif disciplinaire ;
  • licenciement pour inaptitude ;
  • licenciement pour motif non disciplinaire ;
  • licenciement pour motif économique individuel ;
  • licenciement pour motif économique pour les petits licenciements collectifs ;
  • licenciement pour motif économique pour les grands licenciements collectifs.

Il s'agit ici d'une aide proposée aux entreprises - particulièrement les TPE-PME - mais l'utilisation de ces modèles reste bien évidemment facultative.

Toutefois, on peut s'interroger sur le degré de précision de ces modèles quant à l'énoncé du motif de licenciement, la jurisprudence étant très stricte sur ce point. Comme antérieurement aux ordonnances Macron, il restera donc de la responsabilité de l'employeur d'indiquer le motif de la rupture qui devra être réel, objectif, sérieux et démontrable, en accord avec la jurisprudence et formulé dans des termes conformes à la règlementation en vigueur.

Préciser les motifs a posteriori devient possible

Le nouvel article R. 1232-13 du Code du travail issu de cette même ordonnance et du décret d'application n° 2017-1702 du 15 décembre 2017, prévoit la possibilité pour l'employeur de préciser a posteriori les motifs énoncés dans la lettre de licenciement, ce qui jusqu'à présent était impossible.

Ainsi, les motifs énoncés dans la lettre pourront, après sa notification, être précisés par l'employeur soit à son initiative soit à la demande du salarié selon les modalités suivantes :

  • Dans les quinze jours à compter de la notification du licenciement, le salarié pourra demander à l'employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre. Dans l'éventualité où l'employeur jugerait utile d'apporter ces précisions - ce qui n'est qu'une faculté - il disposera alors d'un délai de quinze jours suivant la réception de la demande du salarié.
  • Dans un délai de quinze jours après la notification du licenciement, l'employeur pourra également, à son initiative, préciser les motifs de la rupture.

A défaut pour le salarié d'avoir demandé à l'employeur d'indiquer les motifs énoncés dans la lettre, l'irrégularité constituée par une insuffisance de motivation ne privera pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse. Et l'indemnité ne pourra dans ce cas excéder un mois de salaire.

Enfin, l'ordonnance prévoit que la nullité encourue ne dispense pas le juge d'examiner l'ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte le cas échéant dans l'évaluation de l'indemnité à allouer au salarié. L'indemnisation pourra donc être minorée dans certains cas en fonction des autres griefs.

Même si l'employeur a la possibilité de notifier au salarié son licenciement grâce à un modèle type, la motivation et les procédures de licenciement restent complexes. En effet, cette réforme ne touche principalement qu'à la forme et non au fond.

La durée des prescriptions revisitée

Désormais, toute action en justice portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par 12 mois à compter de la notification du licenciement (C. trav., art. L. 1471-1).

Sont concernées :

  • la contestation du motif et de la procédure de licenciement (personnel ou économique) ;
  • la contestation de la rupture par adhésion au contrat de sécurisation professionnelle ;
  • la rupture d'un CDD en raison de sa requalification en CDI ;
  • les ruptures anticipées du CDD visées par le Code du travail ;
  • la rupture conventionnelle ;
  • la démission ;
  • la prise d'acte ;
  • la mise en retraite par l'employeur ou le départ volontaire à la retraite.

En revanche :

  • Les actions relatives à l'exécution du contrat de travail demeurent soumises à la prescription de deux ans (C. trav., art. L. 1471-1).
  • La prescription des salaires est toujours de trois ans (C. trav., art. L. 3245-1).
  • La prescription des discriminations (C. trav., art. L. 1134-5) et des harcèlements reste fixée à cinq ans (C. civ., art. 2224).

Enfin, dans l'objectif de « sécuriser » les accords d'entreprise, la loi prévoit désormais que toute action en nullité de tout ou partie d'un accord collectif, doit être engagée dans les deux mois (C. trav., art. L. 2262-14) et non plus dans le délai de cinq ans jusqu'alors applicable. Le point de départ de l'action est la notification de l'accord aux organisations syndicales ou sa publication dans la nouvelle base de données nationale.

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