Délais de paiement et cash performance : l’impact sur l’écosystème fournisseurs et sur la trésorerie

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Une tribune de Fabien Lomet, Vice-Président Europe de l'Ouest de Tradeshift.

Les délais de paiement des factures peuvent être considérablement améliorés lorsque le processus est compris et suivi par toutes les parties prenantes, acheteurs comme fournisseurs. De grands enjeux subsistent, notamment sur la visibilité de ces délais, la possibilité de prévenir les écueils et la simplification du processus P2P pour le fournisseur, afin que celui-ci puisse être payé à temps.

Les enjeux liés aux délais de paiement

S’agissant des délais de paiement, la visibilité sur les factures est un enjeu majeur. Idéalement, les équipes finance aimeraient pouvoir :

- Connaître en temps réel les délais de paiement.

- Identifier toutes les dérives potentielles pour pouvoir les traiter à l’avance et s’en prémunir : par exemple, identifier les retards et leurs causes.

- Visualiser les étapes et pouvoir bien segmenter le processus.

Réussir à mesurer chaque étape avec des indicateurs précis (et être capable en temps réel de zoomer sur un fournisseur, voir ses habitudes et l’historique), identifier les exceptions.

- Extraire la donnée en temps réel tout en surveillant l’exhaustivité d’une transaction.

Certains outils de process mining permettent de mesurer le flux de facturation de bout en bout et d’extraire les données en temps réel, avec un niveau d’information très fin. Mais il est toutefois difficile pour ces outils d’établir des standards ou de regrouper toutes les étapes au sein d’une seule, plus globale et plus « macro ».

Régler les problèmes de réception des factures

La bonne réception des factures, au bon endroit, est un gros enjeu. Il est important d’identifier, en cas de problème, si cela vient du fournisseur ou de l’acheteur, par exemple pour identifier la provenance de la facture : a-t-elle été envoyée directement par mail par le fournisseur ou a-t-elle été transmise par l’acheteur qui l’a scannée et envoyée ensuite ?

Les fournisseurs sont parfois à l’origine des retards de paiement. Par exemple, s’ils envoient trop tard une facture, ou antidatent une facture : cela crée un décalage, ce délai ne leur permettant pas d’être réglés à temps. Pire : le cas de la facture qui est à la fois antidatée et envoyée après échéance, dont le règlement est déjà en retard au moment de sa réception.

Le problème des factures sans commande est aussi une autre cause de retard de paiement, cela peut venir autant des acheteurs que des fournisseurs.

Quelques pistes pour fluidifier les délais de paiement

Sensibiliser les acheteurs à l’impact de leurs pratiques

La formation des acheteurs est primordiale : il est nécessaire de leur faire comprendre l’impact de la réception des factures, les sensibiliser à la fragilité des fournisseurs et à ce qu’engendre la réception de la facture ainsi que tous les problèmes générés par une mauvaise réception. On peut organiser des échanges réguliers avec les gros acheteurs, faire le tour des entités d’un groupe, afin de transmettre les bonnes pratiques.

On peut aussi communiquer auprès des Achats la liste des fournisseurs qui envoient régulièrement en retard leurs factures, afin qu’ils puissent les sensibiliser et les suivre de près, car le groupe reste responsable de la fluidité du paiement de ses fournisseurs.

Certaines entreprises choisissent de pénaliser les manquements avec la publication en interne de toutes les factures en litige, en retard, ou dont la réception est manquante. Et certains CSP choisissent de refacturer aux directions financières le coût des factures sans commande.

En parallèle, les bonnes pratiques sont récompensées avec par exemple, l’instauration de bonus dépendant du délai de règlement pour les acheteurs rigoureux.

Faciliter certains achats qui mobilisent trop de temps

Le processus de transformation de bon de commande directement en facture peut être extrêmement utile pour alléger le processus. Ou encore, le paiement anticipé. Certaines entreprises mettent en place la réception automatique de certaines factures, jusqu’à un certain montant.

Le fait de raccourcir les process et d’alléger les étapes sur les petits achats permet aussi de fluidifier tout l’écosystème.

La génération d’une carte bancaire virtuelle permet aussi de simplifier ces petits achats. De nombreuses factures s’ajoutent à un temps de traitement déjà chronophage, alors que ces achats effectués ne sont ni stratégiques ni onéreux (par exemple un achat à la boulangerie, des petits achats de services généraux...). Avec ce système de carte virtuelle, l’achat est validé et effectué plus rapidement et c’est à l’acheteur de justifier dans un second temps sa transaction en scannant un justificatif. De plus, cela évite d’entrer dans une base de données un fournisseur qui n’a pas besoin d’être référencé. La logique est de simplifier l’achat dans l’immédiat, tout en respectant le process de justification de cet achat.

Enfin, un système de marketplace permet aussi de gagner du temps, sans déperdition d’informations.

Accompagner les fournisseurs, acteurs clés de la fluidification

Comme pour les acheteurs, un accompagnement des fournisseurs est nécessaire afin de leur faire saisir tout l’enjeu du process et tous les bénéfices que peuvent apporter de bonnes pratiques.

Tout d’abord, en les informant de manière exhaustive : l’envoi de courrier réexpliquant la bonne marche à suivre pour être payé dans les temps peut être utile pour clarifier le process.

Egalement, en leur donnant de la visibilité sur les délais et la date de paiement. C’est un vrai plus dans la relation, à l’heure où les prérelances sont devenues la norme.

Aussi, lorsque c’est possible, récompenser l’adoption de bonnes pratiques, avec des délais de paiement réduits lorsque la facture est présentée dans les temps et au bon format.

Cet accompagnement des fournisseurs passe aussi par le fait de fluidifier leurs démarches. Par exemple, avec la mise à disposition d’un portail leur permettant de saisir directement les éléments d’une facture, pour que cela génère un document au bon format : c’est une bonne pratique avec de petits fournisseurs, peu outillés pour bien facturer.

L’entrée en vigueur de la facturation électronique en 2024 devrait justement permettre de donner au fournisseur l’accès à un seul portail, lui permettant de facturer l’ensemble de ses clients.

Le paiement en temps et en heure est aussi conditionné par un référentiel de bonne qualité avec des coordonnées bancaires à jour. Certains portails permettent aux fournisseurs de renseigner leurs données en ligne, directement à destination du client. Le fournisseur se rend sur une plateforme avec un accès sécurisé, pour changer directement ses coordonnées bancaires, avec un contrôle de l’IBAN. Ou encore, pour charger certains de ses documents comme le Kbis, qui doit être renouvelé régulièrement.

Mais attention, la multiplication des portails peut vite devenir chronophage ! C’est pourquoi, au même titre qu’un portail universel de facturation, un référentiel universel pourrait être idéal, car trop de modèles coexistent, obligeant le fournisseur à s’enregistrer chez chacun de ses clients.

En attendant une simplification généralisée, l’adoption de la facturation électronique sans attendre le calendrier officiel peut déjà être un premier pas pour réduire les délais. De même, une relation de proximité avec les fournisseurs et une pédagogie transversale auprès de tous les acteurs du process permettent de réduire considérablement les litiges.

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