Regroupements sous contrôle commun en normes IFRS : vers une normalisation des pratiques

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Une tribune de Loriane Rapinat, Directrice associée experte IFRS chez BM&A.

Préambule

L’IASB a publié en novembre 2020 un discussion paper intitulé « Regroupements d’entreprises sous contrôle commun » dont la période de commentaires prendra fin le 1er septembre 2021.

Rappels contextuels : juste valeur ou valeur comptable ?

Les opérations de restructurations internes sont courantes dans la vie des groupes, que celles-ci se traduisent par des prises de contrôle par achat d’actions, fusions ou apports partiels d’actif. Les normes IFRS désignent ces transactions internes par l’expression « Business Combinations under Common Control » (ci-après « BCuCC »). Un BCuCC peut être défini comme le transfert d’une entreprise (l’entreprise transférée) d’une entité à une autre (l’entreprise bénéficiaire) au sein d’un même groupe, à la tête duquel se trouve une entité contrôlante.

Or la norme IFRS 3 n’est pas applicable aux BCuCC et aucune disposition n’encadre actuellement le traitement de ces opérations. Ce vide normatif conduit les groupes à choisir leur méthode comptable d’évaluation des actifs et des passifs transférés, à savoir en pratique soit la juste valeur (méthode de l’acquisition définie par IFRS 3), soit la valeur comptable historique. Or ces divergences de traitement nuisent à la comparabilité des états financiers et ces opérations manquent souvent de transparence en annexe.

Si, du point de vue de la société mère de tête, il s’agit d’une opération interne dont les effets sont éliminés en consolidation, un impact peut exister dans le cas où l’entreprise bénéficiaire réalise elle-même des états financiers IFRS (société bénéficiaire cotée ou constituant un sous-pallier de consolidation, société nouvellement créée dans un objectif de cession potentielle ou d’IPO par exemple).

Des méthodes différenciées selon la présence d’intérêts minoritaires

Selon le Board, il n’est pas dans le meilleur intérêt de toutes les parties prenantes de prévoir une méthode unique pour toutes les transactions. Le critère discriminant serait la présence, au capital de la société bénéficiaire, d’intérêts minoritaires.

En effet, du point de vue d’actionnaires externes minoritaires, l’opération ne constitue pas une simple réorganisation interne mais bien une acquisition, puisqu’ils ne contrôlaient pas l’entité transférée. Ainsi, en présence d’intérêts minoritaires « substantiels », l’IASB envisage de rendre la méthode de l’acquisition à la juste valeur obligatoire pour les sociétés cotées, et applicable de droit sous réserve d’exemptions pour les sociétés à capital fermé.

Modalités d’application de la méthode de l’acquisition à la juste valeur

La méthode de l’acquisition s’appliquerait conformément à IFRS 3 en comptabilisant les actifs et passifs identifiables de l’entreprise transférée à leur juste valeur, et en reconnaissant la différence avec la juste valeur du prix d’achat en tant que goodwill ou badwill. Toutefois, ce badwill ne serait pas comptabilisé en produits mais directement en capitaux propres.

Les informations à fournir en annexe selon IFRS 3 seraient combinées avec les exigences supplémentaires prévues dans IAS 24 au titre des parties liées.

Modalités d’application de la méthode de la valeur comptable

La méthode de la valeur comptable serait appliquée de manière prospective. L’écart entre la valeur comptable des actifs et des passifs transférés et celle de la contrepartie payée serait directement enregistré en capitaux propres, à l’image de la pratique actuelle. Enfin, les coûts de transaction seraient comptabilisés en résultat net (les coûts d’émission d’instruments de capitaux propres ou d’emprunt restant traités selon IAS 32 / IFRS 9).

Des informations annexes seraient désormais exigées, ici aussi sur le modèle d’IFRS 3, afin de permettre aux lecteurs d’évaluer la nature et les impacts de l’acquisition, et de connaître le montant de l’écart inscrit en capitaux propres.

Loriane Rapinat, Directrice associée experte IFRS chez BM&A