Une tribune de Thomas Verdin, Directeur Associé, pôle Banque et réglementaire, BM&A au Royaume-Uni.
Les autorités européennes ont clarifié tardivement, le 10 décembre 2020, leur décision finale sur l’entrée en vigueur d’ESEF, le règlement qui modifie le format des rapports financiers annuels des sociétés cotées sur un marché réglementé européen, en y introduisant un balisage électronique XBRL des montants présentés dans les états de bilan, de résultat, de trésorerie et de capitaux propres.
L’obligation concerne les exercices financiers clos le 31 décembre 2020 mais, parmi d’autres mesures de réduction de la charge réglementaire en période de pandémie, un amendement a finalement été prévu, permettant à chaque Etat membre de proposer à ses émetteurs un report optionnel d’un an.
Le Trésor et l’AMF ont veillé à indiquer très vite la position pour la France, par un communiqué publié dès le 17 décembre. Ainsi, le règlement général de l’AMF précise désormais à l’article 222-3 que les émetteurs français peuvent n'appliquer ESEF que « pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2021 inclus. Dans ce cas, ils informent leurs commissaires aux comptes de leur décision de reporter l'obligation ». La France a officiellement notifié son choix à la Commission européenne le 5 février et une vingtaine de pays ont à ce jour affirmé une décision similaire, à l’exception notable de l’Allemagne qui n’a pas prévu d’activer le report.
Pour les émetteurs, la question du format de dépôt de leur rapport annuel financier 2020 est donc ouverte : fichier PDF comme hier, ou ESEF dès à présent. Pour ceux qui ont entamé les travaux préparatifs en 2020, cette seconde solution est à conseiller. Elle permet d’éprouver le processus alors que le régulateur se montre très disponible sur la mise en œuvre de tests et moins strict sur les contrôles techniques. Autant s’y confronter dès à présent, plutôt que de rester au milieu du gué et de s’y remettre à l’été, pour sécuriser la remise obligatoire de 2022. Le format ESEF inclut un dictionnaire des données reportées, appelé taxonomie, dont la codification est normalisée, et des ajustements s’avèrent en général nécessaires pour vérifier toutes les règles. Eventuellement, les émetteurs inquiets de la publication tardive et encore incomplète des pratiques d’audit et de signature pourront mener le processus ESEF, publier ce format sur leur site internet, mais choisir un audit et un dépôt officiel du rapport sous format PDF.
Il existe un autre domaine sur lequel il ne faudrait pas attendre au milieu du gué en 2021. En effet, les premiers rapports ESEF/XBRL des émetteurs volontaires seront disponibles, ainsi que ceux des sociétés cotées des pays qui n’ont pas permis de report. Cela donne de la matière pour ouvrir le chapitre de l’exploitation de ces données directement accessibles électroniquement, par les services d’information et les analystes. La Commission européenne mène actuellement une consultation sur un point d’accès unique (ESAP) aux données financières, mais aussi à terme extra-financières, ainsi publiées en Europe. En 2021, il est temps d’inventer les utilisations et services autour des sources ESEF, afin d’en tirer pleinement parti à l’ouverture du portail ESAP !
Thomas Verdin, Directeur Associé, pôle Banque et réglementaire, BM&A au Royaume-Uni