Une tribune d'Olivier Buisine, consultant, Regulate, ancien Président de l'IFPPC (Institut français des praticiens des procédures collectives).
Selon une étude publiée par la DARES, le taux de démission a atteint 2,7 % de la population de salariés au 1er trimestre 2022. La « grande démission » est-elle une tendance de fond ou un simple épiphénomène ? En réalité, le chiffre de 500 000 démissions pose peut-être la question de la quête de sens au travail.
La réalisation de l’individu au travail ne passe plus en effet forcément par la seule contrepartie financière au temps consacré au profit de l’employeur. Les salariés sont aussi des citoyens qui recherchent davantage un sens dans le travail et un alignement entre leurs propres valeurs avec celles de l’entreprise.
La quête de sens au travail contribue par ailleurs à une nouvelle dimension de la perception de la performance globale de l’entreprise.
Enjeux de recrutement et de management
La prise en compte du sens au travail est désormais une des composantes de la « marque employeur » pour attirer les meilleurs profils au sein des entreprises.
La prise en considération des préoccupations personnelles de l’individu, de l’impact de l’entreprise sur l’environnement et de la transparence de ses activités constitue également une nouvelle donne que doivent aussi prendre en compte les employeurs pour maintenir et fidéliser les salariés en poste.
Les entreprises doivent également adapter les compétences de leur propre direction dans le cadre d’un nouveau mode de management qualifié parfois d’« éclairé », qui consiste à apporter des réponses managériales particulières aux demandes sociales nouvelles de leurs salariés et aux évolutions technologiques récentes bouleversant l’organisation du travail (digitalisation des tâches, télétravail, etc.).
Raison d’être et entreprise à mission
L’entreprise peut par ailleurs se fixer des objectifs qui dépassent la seule performance financière, afin de rejoindre les aspirations des salariés. Selon l’article 1835 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 22 mai 2019, les statuts peuvent ainsi préciser une raison d'être, constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité. Une entreprise à mission se caractérise, quant à elle, comme une société qui possède des objectifs sociaux et environnementaux. Elle adopte des pratiques prenant en considération l’impact social et environnemental, qui s’inscrit au cœur de son modèle économique.
Selon l’observatoire des sociétés à mission, 900 sociétés à mission ont été référencées à ce jour. Le démarrage timide, depuis l’instauration de la loi Pacte, s’explique peut-être par le manque d’incitation fiscale pour effectuer une telle démarche, laquelle représente un coût pour l’entreprise (formation des salariés à la RSE, mise en place de reporting, évolution du management, etc.).
Mécénat de compétences
L’entreprise peut par ailleurs détacher un salarié dans le cadre d’un projet philanthropique. Prévu par l’article L. 8241-3 du code du travail, le mécénat de compétences est ainsi le don d'expertises professionnelles ou personnelles de collaborateurs volontaires, pendant leur temps de travail et en accord avec leur employeur, à des structures d’intérêt général.
Le mécénat de compétences peut être réalisé sous deux formes. L’entreprise s’engage dans le cadre d’une prestation de service, à réaliser une mission déterminée, qu’elle va piloter, au profit d’un organisme d’intérêt général. L’entreprise peut également effectuer un prêt de main d’œuvre. Elle met alors à disposition d’un organisme éligible au mécénat un ou plusieurs salariés.
Ce dispositif s’apparente pour l’entreprise à un don et bénéficie de conditions fiscales avantageuses.
Impact du télétravail
La crise du Covid-19 a en outre eu pour conséquence un développement important du télétravail. Les nouveaux enjeux en termes de management se situent dans le maintien de la motivation et de l’implication des salariés en cas de travail à distance ainsi que dans les modalités de contrôle des tâches qui leur sont confiées.
En parallèle, la digitalisation du travail ou encore le développement des travailleurs de plateforme conduisent aussi les entreprises à s’interroger sur la façon « d’humaniser » les tâches et de maintenir un lien avec les autres salariés de l’entreprise.
En conclusion, la quête de sens au travail marque peut-être encore davantage les différences de traitement des salariés en fonction de la taille et du secteur de l’entreprise ainsi que du niveau de qualification. Certains salariés risquent d’être laissés à l’écart de ces innovations managériales. La reconnaissance de l’individu et la prise en considération de ses aspirations personnelles en lien avec les objectifs de l’entreprise apparaissent certainement plus difficiles à décliner au sein du tissu de TPE-PME (restauration, bâtiment, artisanat, etc.).