Maïté Gabet, Chef du contrôle fiscal à la DGFIP : « L’informatique nous permettra de cibler plus précisément les zones à risques »

Interviews
Outils
TAILLE DU TEXTE

Bercy

FEC, examen de comptabilité, logiciels de caisse certifiés… le numérique et l’innovation technologique gagne du terrain dans le contrôle fiscal. Un possible sujet d’appréhension pour les entreprises et leurs accompagnants experts-comptables. Aussi, nous avons rencontré Maïté Gabet, Chef du service du contrôle fiscal à la DGFIP, pour en savoir davantage sur le positionnement de Bercy quant au recours aux nouvelles technologies dans le contrôle des règles d’imposition.

L’examen de comptabilité, entré en vigueur en 2017, semble être un sujet d’inquiétude pour les entreprises et leurs conseils experts-comptables. On a pu parler de « contrôle fiscal 2.0 » ou encore de « cyber-contrôle » des comptabilités, avec derrière la crainte d’une démarche un peu intrusive de la part de la DGFIP. Quelle est votre réaction à ce sujet ?

Je suis un peu étonnée de ce que vous me dites. Je n’ai pas cette lecture. Nous discutons avec les professionnels du chiffre. J’ai moi-même participé à un colloque organisé par l’Ordre des experts-comptables au mois de janvier. J’ai rencontré des vérificateurs et nous avons organisé des séminaires internes avec des entreprises et des experts-comptables au plan local. Et ce n’est pas l’information qui remonte.

L’examen de comptabilité est une nouvelle procédure. C’est normal que cela change un peu les cultures. Cela suppose de se réajuster. Mais notre sujet, c’est d’être plus rapides, plus efficients, moins intrusifs et de maintenir le même niveau de débat contradictoire. Je pense que l’examen de comptabilité est une procédure gagnante pour tout le monde. Côté entreprises, cela leur permet de ne pas avoir à « monitorer » pendant plusieurs mois, un vérificateur pour des questions qu’il pourrait examiner à distance depuis son bureau.

L’obligation depuis le 1er janvier 2018 de s’équiper de logiciels de caisse certifiés est également un sujet d’appréhension pour les entreprises. Vous évoquiez lors du colloque organisé par l’Ordre des experts-comptables, l’idée discutée au Parlement d’une « société de confiance », d’un rétablissement de la confiance entre l’administration et ses administrés. L’obligation de s’équiper de systèmes de caisse certifiés ne participe-t-elle pas davantage d’une certaine méfiance voire d’une société de type « Big Brother » ?

En réalité, il s’agit de mettre en place une certification des logiciels de caisse afin, en termes préventifs, de s’assurer que ces systèmes ne permettent pas un effacement éventuel des écritures.

Nous avons adopté ce dispositif il y a maintenant plus de deux ans, en 2015. Et l’administration a beaucoup discuté avec les entreprises. Il y a un groupe de travail au Medef et avec des représentants des commerçants. Il y a également un groupe de travail d’experts-comptables. Ce dispositif traduit uniquement la volonté de faire de la prévention et de s’assurer que les logiciels sont conformes aux normes comptables. Il s’agit de prévenir des contrôles fiscaux qui, eux, seraient plus lourds et compliqués.

De plus, nous avons resserré le champ de l’obligation qui ne concerne maintenant que les logiciels et systèmes de caisse et non plus les logiciels de compte et de gestion. De même, l’obligation ne concerne que les entreprises en relation avec des non-assujettis et qui ne sont pas elles-mêmes exonérées de TVA. Donc, nous sommes très éloignés de « Big Brother »... L’administration s’informatise certes, mais uniquement comme un outil de monitoring.

Une société de confiance n’est pas une société qui méconnaît les risques de fraudes. C’est une société qui engage un rapport indulgent avec les erreurs de bonne foi des contribuables et dans laquelle, par ailleurs, l’administration dialogue avec les administrés. Concernant les logiciels de caisse, nous avons dialogué pendant deux ans et nous continuons pour la mise en œuvre de la loi.

Pour finir, lors du colloque organisé par l’Ordre des experts-comptables, le Professeur Jean-Pierre Casimir a évoqué l’avenir en disant que l’émergence du Big Data laissait entrevoir un bouleversement des contrôles fiscaux à travers l’outil informatique. Quel est votre point de vue à ce sujet ?

Il faut toujours se méfier des mots et des effets de tribune. M. Casimir est un Professeur émérite mais dans le quotidien du contrôle fiscal, c’est davantage le pragmatisme qui règne.

L’administration fiscale opère 45 000 contrôles chaque année et il y a 3 millions d’entreprises en France. Nous cherchons avant tout à être plus efficients et à effectuer des examens davantage ciblés.

On nous reproche souvent de nous rendre dans les entreprises sans savoir ce que nous cherchons, sans être à même de présenter ab initio nos axes d’investigation. A cet égard, l’outil informatique nous permettra de cibler plus précisément les zones à risques.

Je vous renvoie aux pratiques des administrations étrangères. Cela fait bien longtemps qu’en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, les données sont ainsi exploitées. Donc on nous reprocherait presque de ne pas les utiliser.

Mais le débat contradictoire aura toujours lieu. Les contribuables auront le même niveau de garantie. Il faut savoir enfin que tous les outils informatiques de la DGFIP sont baptisés par la CNIL.

Propos recueillis par Hugues Robert

Les Annuaires du Monde du Chiffre