Jean-Pierre Letartre : « Le monde de la comptabilité et de l’audit est fortement impacté par l’intelligence artificielle »

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jean-pierre-letartreA l’occasion de la 10ème Conférence annuelle des entrepreneurs organisée par Citizen Entrepreneurs au Conseil économique, social et environnemental, et consacrée au thème de l’intelligence artificielle comme moteur de la croissance et de la compétitivité, nous avons rencontré le Président d’EY France Jean-Pierre Letartre qui a accepté de répondre à nos questions sur les enjeux émergents de la profession du chiffre : l’intelligence artificielle, mais également le numérique et la blockchain.

Quel sera selon vous l’impact de l’intelligence artificielle sur le monde de l’entreprise ?

Globalement, cet impact sera très fort. Cela va changer la manière dont les biens et les services sont produits. Cela va également modifier l’offre apportée aux clients, quel que soit le secteur d’activité.

L’intelligence artificielle est une révolution, comme nous avons connu la machine à vapeur ou l’électricité. C’est un élément de transformation fondamental des entreprises qu’il convient de prendre en compte et qui est d’ailleurs source d’éléments extrêmement positifs, concernant la capacité d’apporter de la valeur ajoutée aux clients, mais aussi la capacité de libérer le travail d’un certain nombre de tâches fastidieuses ou pénibles. C’est donc un grand enjeu qu’il faut absolument intégrer dans nos entreprises aujourd’hui.

Et concernant plus particulièrement le monde du chiffre, l’expertise comptable et l’audit, quels seront les effets de l’intelligence artificielle selon vous ?

Le monde du chiffre est effectivement très concerné. L’intelligence artificielle peut permettre d’effectuer des saisies, de classer des factures, des datas dans les bons comptes, etc. Elle peut également permettre de réaliser des analyses de données et d’informations financières sur une plus grande échelle, et d’une manière plus exhaustive et plus approfondie. Elle permet de faire des corrélations entre les chiffres pour en tirer des enseignements et même, avec un apprentissage de l’organisation de l’entreprise, de ses structures, de ses process, de réaliser des prédictions sur des risques potentiels.

Le monde de la comptabilité et de l’audit est fortement impacté par l’intelligence artificielle. C’est donc un domaine sur lequel nous investissons beaucoup en ce moment.

Donc, de votre point de vue, l’intelligence artificielle est une opportunité davantage qu’une menace pour le monde du chiffre ? Malgré les risques mis en avant, liés à l’automatisation et à l’ubérisation éventuelles de la profession ?

L’intelligence artificielle est forcément une opportunité ! La question d’ailleurs n’est pas de savoir si c’est une menace ou une opportunité, mais de réfléchir sur comment intégrer cette nouvelle technologie, comment faire pour que ce nouvel outil soit effectivement au service du développement de l’entreprise et du personnel dans celle-ci. 

Les grandes innovations technologiques ont toujours été un plus, à condition de savoir comment s’en servir.

Précisément, sur les enjeux émergents comme le numérique, la blockchain, mais également l’intelligence artificielle, quel est le positionnement stratégique d’EY ?

La position stratégique d’EY dans ces domaines est : investissements forts, tests et déploiement.

Pour prendre des exemples concrets, concernant la méthodologie d’audit, nous investissons au niveau mondial sur la transformation de notre approche. Il y a aussi des investissements locaux comme EY Experience Lab à Paris, qui produit des outils pour nos clients et qui travaille sur la cybersécurité.

Nous sommes également en train de développer des centres d’expertise sur la blockchain, plutôt dédiés par secteurs d’activité. Cette nouvelle technologie va être une révolution extrêmement forte.

Donc selon vous, la blockchain ne représente pas un risque pour l’activité des auditeurs en tant que tiers de confiance ?

La question n’est pas là. Pour une firme comme EY, un élément essentiel de la valeur d’aujourd’hui est la data. Or, ce qui importe est que l’utilisateur ait confiance dans ces données. Si nous, entreprise d’audit, ne sommes pas capables de trouver les moyens nouveaux, technologiques, d’être effectivement un tiers de confiance sur ces informations, cela va poser des problèmes…

Il faudra, quoi qu’il en soit, des tiers de confiance pour s’assurer du bon fonctionnement de la blockchain ou des différents algorithmes… Donc, je ne crois pas du tout, mais pas du tout, à la disparition de la notion de contrôle par un tiers de confiance. Loin de là, c’est un métier qui va se développer, à mesure que se développeront les échanges d’informations et le besoin de confiance dans ces dernières pour la prise de décision. L’audit va prendre un autre visage.

Propos recueillis par Hugues Robert

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