Philippe Arraou : « Un travail de fond s’impose pour donner à l’entreprise le rôle qu’elle mérite dans notre société »

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philippe-arraouPhilippe Arraou, Président de BDO France, répond aux questions du Monde du Chiffre sur sa participation au plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, initié par Bruno Le Maire et Benjamin Griveaux.

Vous participez à la co-construction de la future loi visant à favoriser la transformation des entreprises et accélérer leur croissance. Cette méthode de la « co-construction » est mise en avant par l’administration comme un procédé inédit. Elle consiste notamment à associer des chefs d’entreprise aux parlementaires dans l’élaboration des normes. Quel est votre point de vue sur cette démarche ?

Elle me paraît d’une grande sagesse. Il y a trop de risques à sortir des mesures qui ne soient pas adaptées à la réalité de terrain. Faire contribuer les chefs d’entreprise permet d’avoir une vision très pragmatique et on peut en attendre du bon sens. Mais cela ne peut suffire et il faut intégrer les éléments juridiques, souvent complexes. C’est donc une première phase d’écoute qui est proposée, et qu’il faut saluer, dont l’objet est de rechercher les bonnes idées. Les arbitrages et la mise en œuvre opérationnelle viendront dans un deuxième temps.

La réflexion autour de la future loi est centrée autour de deux objectifs : transformer l’environnement des entreprises et réconcilier les français – les salariés – avec les chefs d’entreprise. Quelle est votre point de vue sur ces deux aspects ? Quels sont les chantiers prioritaires selon vous ?

Il est frappant de constater l’image souvent négative dans l’opinion publique de l’entreprise et du chef d’entreprise en France quand on fait la comparaison avec les pays étrangers. Un travail de fond s’impose pour donner à l’entreprise le rôle qu’elle mérite dans notre société, en qualité de moteur de l’économie et donc de l’emploi. Je suis convaincu que cela dépendra grandement du marché de l’emploi : si les entreprises embauchent, elles sauront retrouver leur place. D’où l’importance de la réforme du droit du travail, entreprise par le gouvernement. Le chef de l’Etat en a fait une priorité, et il a raison. Le projet de nouvelle société dépend grandement de cette réforme pour notre pays.

Vous êtes associé plus particulièrement au groupe de travail consacré au thème de la numérisation et de l’innovation. Quel est votre rôle au sein de ce groupe de travail, ce trinôme partagé avec Célia de Lavergne et Lionel Baud ? Comment envisagez-vous cette question essentielle et transversale de la numérisation et de l’innovation dans les entreprises ?

Nous sommes trois à conduire ce thème pour aller à la rencontre des entreprises et des organisations professionnelles, et ne serons pas de trop, tant la tâche est immense et le délai court ! L’économie est entrée dans une nouvelle ère avec le numérique et il s’agit d’accompagner le mouvement, d’une part en assurant la transition pour les entreprises en activité, et d’autre part pour faciliter l’émergence de nouvelles entreprises. Dans les deux cas, ce sont les petites entreprises qui méritent une attention particulière car elles ne disposent pas des mêmes ressources financières et humaines que les grandes, ce qui les fragilise. Nous ferons donc en sorte qu’elles soient concernées par cette future loi.

Vous êtes l’auteur d’un ouvrage sur « L’expert-comptable et l’économie numérique ». Et effectivement, cette question du digital concerne aussi directement les professionnels du chiffre. Comptez-vous mettre en avant cet aspect dans le cadre du groupe de travail pour l’élaboration de la future loi ? Et si oui, comment ?

Dans le cadre de ma fonction à la présidence de l’Ordre des experts-comptables, j’avais fait du numérique mon axe prioritaire. Notre profession est concernée, comme toutes les autres. Il y a peut-être une acuité particulière pour les hommes et les femmes du chiffre dans la mesure où notre matière se prête totalement à la dématérialisation. Nous sommes ainsi appelés à faire évoluer fortement notre offre de service, pour nous intéresser directement au système d’information des entreprises. Mon expérience dans cet engagement pour la transition vers le numérique a retenu l’attention du Premier Ministre, et j’en suis ravi. Je ferai en sorte qu’elle puisse servir la cause de notre économie nationale.

Propos recueillis par Hugues Robert

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