Fiscalité : mesures radicales et traitement homéopathique

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Le point de vue de marc-albert-chaigneauMarc Albert Chaigneau, qui a été conseil de sociétés et avocat d’affaires, puis responsable juridique pendant 35 ans.

Tout le monde sait, en au-­delà des cercles de juristes, comptables ou gestionnaires, que la lutte de l’administré, qu’il soit justiciable ou contribuable, contre l’administration s’apparente à celle du pot de terre, contre le pot de fer. L’exemple récent de l’interprétation du défaut de réponse de l’administration illustre particulièrement bien mon propos. Par les enquêtes, reportages et sondages, ce que l’on nomme couramment la "médiatisation", il commence à se savoir que le citoyen se sent beaucoup plus asservi que servi, par l’administration, ou plus justement les administrations qui gouvernent ce pays et que certains appellent encore "services publics". Pour ne pas caricaturer, reconnaissons que certains méritent encore ce titre honorifique. De l’éducation nationale à la justice en passant par la santé, la police et la défense.

Ce dont il est question ne relève pas de la qualité du service rendu, bien qu’il ait beaucoup à dire sur le sujet, mais de son financement et du moyen de ce financement, que constitue la fiscalité. Car, bien que cela semble souvent perdu de vue, la fiscalité a pour objet le financement des services publics. Pas d’entretenir des trains de vie de nababs a un personnel politique beaucoup trop nombreux et, dans l’ensemble, d’une utilité pour le moins contestable. Ni de financer des aménagements, des équipements, installations ou activités, dont la seule finalité est électoraliste.

Car, depuis maintenant longtemps, malheureusement, tant dans son système de prélèvement, que dans l’usage des fonds perçus, la fiscalité est devenue électoraliste. Ceci ayant pour conséquence de déterminer des "effets pervers" souvent plus importants que la finalité recherchée, ou prétendue.

Pendant fort longtemps et pour assurer à l’administration, en principe aux services publics, le privilège de la maîtrise des domaines qu’ils gèrent, le défaut de réponse de l’administration, au terme du délai d’instruction, valait refus de celle-­ci. Ceci permettant à l’administration concernée de laisser en suspens les dossiers à problèmes, ou dont l’étude nécessitait des investigations ou un temps de travail, que les agents n’étaient pas prêts à lui consacrer. Et pour inconvénient pour l’administré ayant sollicité un agrément ou une autorisation, de rester, souvent pendant des mois, dans l’expectative, ne sachant si le projet devait être poursuivi ou abandonné.

La réforme consistant à considérer que le défaut de réponse de l’administration constitue, a priori, un accord semble une mesure radicale apportant la solution de ce problème et a été présentée comme telle. Elle eût pu l’être effectivement, à la seule condition que quelques principes de base la tempèrent, pour la rendre gérable par l’administration. Ce n’est pas la solution choisie. Celle-­‐ci consiste à multiplier les conditions et les  exceptions dans une multitude de textes. Ce qui, au lieu de simplifier et éclaircir la situation a pour effet de la rendre plus confuse et compliquée. La méthode est mauvaise et nombreux sont ceux qui, même au sein des administrations, s’en rendent compte et la dénoncent. L’administration a le comportement d’une hydre. Chaque fois qu’une de ses têtes est coupée, il lui en pousse trois nouvelles.

Ceci me semble être une des conséquences du phénomène, de la concentration du pouvoir, de l’uniformisation et de l’irresponsabilité. Si, au lieu de partir d’une décision globale, prise au sommet de la hiérarchie, se scindant et se délitant jusqu’à aboutir à ceux qui traitent effectivement les dossiers, le processus était inverse, partant de la réalité des faits concrets pour aboutir par abstractions successives, aux règles générales, le système ne présenterait pas ces inconvénients. Il est une autre mesure qui a tenu la presse et l’opinion publique en haleine pendant plus d’un an : l’imposition à 75 % des revenus supérieurs à un million d’euros. Pour quiconque a quelqu’idée du comportement des contribuables ayant ce niveau de revenus, l’idée ne pouvait être que populiste et démagogique. En effet, il n’est pas nécessaire d’atteindre le million de revenus pour être entouré de conseils fiscaux et financiers. Le tiers, voire le quart, suffit. Et dans la situation de concurrence fiscale exacerbée existant même, peut-être surtout, au sein de l’Europe, tous les moyens nécessaires existent pour une entreprise, ou un dirigeant, de faire apparaître ses revenus où bon lui semble. Une telle tranche d’imposition ne pouvait rien rapporter. Personne n’accepte de travailler pour donner la quasi-­‐totalité de ce qu’il gagne au fisc. Sachant qu’outre l’impôt sur le revenu, il en existe d’autres, prélèvements sociaux, CSG, CRDS…

Si cette mesure ne pouvait rien rapporter, elle a eu néanmoins des effets importants. De nombreux chefs d’entreprises, de nombreuses entreprises, s’en sont prémunies ainsi que contre des mesures du même ordre ou susceptibles d’avoir un objet ou une finalité similaire. Un certain nombre de délocalisation et d’exil fiscaux en ont résulté qu’il est impossible, vu la complexité du système fiscal mis en place, d’apprécier ou d’estimer. On ne peut que constater, autour de soi, au gré des conversations, les changements stratégiques qui en ont résulté. Ces conséquences étaient prévisibles.

N’importe quel conseil fiscal ou financier, expert-comptable ou banquier s’y est immédiatement attendu. Il est peu vraisemblable que les experts du ministère des finances aient pu l’ignorer et ne pas en informer les politiques. Cette annonce ne pouvait donc avoir qu’un but électoraliste. Si l’on en juge par l’évolution des cotes de popularité, même cet objectif n’a pas été atteint. Une réforme fiscale globale est indispensable et urgente. L’ajout de superstructures à l’usine à gaz existante, ne va pas dans ce sens. Pour qu’une réforme soit réellement démocratique, il faudrait que les contribuables réellement concernés, interviennent dans son élaboration. Les salariés, entreprises, propriétaires… parleurs instances professionnelles, qui pourraient les consulter sur des projets et propositions qu’ils élaboreraient. Qui par abstraction et approximations successives, partant de cas particuliers, permettraient de discerner ce qu’il y de commun, pour en faire les règles générales et les principes. Méthode inverse de celle actuellement utilisée.

 

Marc Albert Chaigneau, dont le dernier essai, "De la révolution à l’inversion", publié aux éditions Edilivre, se consacre à une réforme de notre société.

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