Quel avenir pour les commissaires aux comptes ?

Commissariat aux comptes
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bruno-le-maire-commissaire-aux-comptesLe gouvernement a officiellement confirmé son souhait de supprimer les auditeurs légaux dans les petites entreprises. Une mission sur l’avenir de la profession de commissaire aux comptes a ainsi été confiée à un comité d’experts. Jean-Luc Flabeau et Denis Barbarossa, Présidents respectifs des syndicats ECF et IFEC, réagissent dans nos colonnes.

La garde des Sceaux Nicole Belloubet et le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire ont finalement retenu la proposition du rapport IGF de relever les seuils d’audit légal au niveau européen. Se pose désormais la question de l’avenir des commissaires aux comptes. Sur ce point, une mission a été diligentée par le gouvernement et confiée à un comité d’experts, placé sous l’égide du Président de l’Autorité des normes comptables Patrick de Cambourg.

Une mission sur l’avenir de la profession

Cette mission aura pour objectif d’accompagner la réforme des seuils d’audit légal dans le cadre du PACTE. Elle devra proposer de nouvelles perspectives de développement à la profession comptable pour contribuer à la modernisation de l’économie.

Le comité d’experts devra également identifier les mesures d’accompagnement rendues nécessaires par la réforme et notamment définir de nouvelles fonctions pour les commissaires aux comptes. Il s’agira en outre de renforcer l’attractivité de cette profession, permettre le maintien d’un maillage territorial suffisant et formuler enfin des propositions en faveur du développement de l’expertise comptable.

Le comité d'experts sera composé de Marc Brisset-Foucault, magistrat avocat général honoraire, Guy Piolé, président de chambre à la Cour des comptes, Bénédicte Caron, vice-présidente de la Confédération des PME, Didier Kling, président de la CCI de Paris IDF et Monique Millot-Pernin, commissaire aux comptes. Ils travailleront en lien avec les parties prenantes, notamment la CNCC et le H3C. La mission rendra ses conclusions dans le courant du mois de juin 2018.

Supprimer les commissaires aux comptes en faveur des petites entreprises ? La profession réagit…

Les ministres justifient le relèvement des seuils d’audit légal par une volonté « d’alléger les obligations pesant sur les petites entreprises et de faciliter leur développement. » Une analyse qui bien entendu, ne récolte pas les pleins suffrages parmi les professionnels du chiffre.

Jean-Luc-Flabeau-ECFAinsi, le Président du syndicat ECF Jean-Luc Flabeau de déclarer : « Je crois que la vision européenne de l’audit du ministre Bruno Le Maire est complètement tronquée » et d’avancer trois arguments contre le relèvement des seuils :

• Ce projet va instaurer une concentration énorme du marché de l’audit au profit des grands cabinets anglo-saxons alors que la Commission européenne elle-même, dans un rapport de septembre dernier, pointe du doigt cette concentration dans de nombreux Etats membres et souhaite la réduire.

• Accountancy Europe vient de publier un document sur la valeur de l’audit dans les PME qui insiste sur l’importance d’une adaptabilité de l’audit dans les petites structures, perspective soutenue par ECF depuis plusieurs années.

• Enfin, l’exemple de la Suède s’avère particulièrement suggestif, qui a augmenté les seuils d’audit en 2010 pour s’apprêter à les redescendre aujourd’hui, percevant les écueils de cette mesure : erreurs comptables, risques de fraude, obstacles au financement des TPE-PME… Il est évident que la France va suivre la même trajectoire, sauf qu’entretemps « les commissaires aux comptes libéraux seront définitivement sortis du marché… Bruno Le Maire, qui vient d’enfoncer le clou ce matin sur une station de radio, décide seul de tuer la profession de commissaire aux comptes. Il va supprimer 8 000 emplois importants. Il casse une filière et toute la formation des jeunes. Et surtout, le ministre altère la sécurité économique des nombreuses PME de l’Hexagone. »

denis-barbarossaLe Président du syndicat IFEC Denis Barbarossa a quant à lui déclaré : « Cela fait maintenant quelques semaines que nous savons que les ministres ont arbitré et que nous militons ardemment pour engager une discussion avec la tutelle et Bercy, Bercy qui semble d’ailleurs avoir été déterminant dans ces questions. Voir enfin une commission mise en œuvre pour travailler à l’avenir du commissariat aux comptes, repensé, nous convient même si l’IFEC ne peut que déplorer le fait que la France ait décidé unilatéralement de respecter les seuils européens sans tenir compte des particularités du tissu économique français, sans prendre en considération par ailleurs le rôle du commissaire aux comptes au sein de l’économie et en laissant penser, enfin, que celui-ci est un frein au développement, comme l’a répété ce matin le ministre Bruno Le Maire à la radio. »

Pour le Président de l’IFEC, si frein à la croissance il y a, il convient sans doute de regarder davantage du côté des prélèvements obligatoires qui dépassent en France les 45 % et donc très allègrement la moyenne européenne en la matière. Les commissaires aux comptes – et les professionnels du chiffre plus largement – seraient-ils donc les boucs émissaires d’une politique fiscale inadaptée ?

« L’IFEC a interpellé Matignon, Bercy et la Chancellerie dès la mi-mars sur les conséquences catastrophiques du relèvement des seuils d’audit. A cette occasion, notre contribution leur a été présentée : 11 000 emplois détruits dans les CRCC, 3 500 commissaires aux comptes libéraux menacés par la disparition de plus de 75 % de leur chiffre d’affaires, mise en péril des jeunes professionnels, réduction drastique des effectifs dans les filières de formation, appauvrissement des territoires par la disparition des cabinets régionaux et concentration du marché… » a précisé Denis Barbarossa.

Hugues Robert

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