L’Institut de la Finance Durable (IFD) a présenté un guide méthodologique ambitieux pour évaluer la performance des entreprises en matière de transition carbone le 19 novembre dernier. Ce document, s’inscrivant dans le cadre réglementaire européen et des meilleures pratiques internationales, trace une feuille de route visant à intégrer les enjeux climatiques dans les analyses financières et extra-financières.
Selon l’IFD, les objectifs climatiques fixés dans le cadre de l’accord de Paris supposent une transformation profonde et rapide du système économique. Concernant le secteur financier, il s’agit d’allouer les ressources vers les entreprises qui mettent en place effectivement leur transition ou apportent des solutions de décarbonation.
Dans ce contexte, il est nécessaire de pouvoir évaluer la performance d’une entreprise dans la transition carbone avec autant de robustesse que ses performances financières.
Concrètement, les indicateurs de performance des entreprises liés au climat, tels que l’empreinte carbone, l’objectif de réduction des émissions ou les investissements pour la transition carbone, doivent maintenant être considérés par les analystes financiers (crédit et action) avec la même rigueur que l’EBITDA, le ROI ou les cash flows. En définitive, il s’agit de redéfinir la création de valeur financière par les entreprises de façon plus juste et pertinente, avec l’intégration de l’externalité carbone.
Un référentiel structuré pour la transition
Le guide identifie les bases d’un langage commun, essentiel pour aligner entreprises, investisseurs et régulateurs sur les enjeux climatiques. Il propose un référentiel articulé autour de cinq piliers :
- Indicateurs clés de performance carbone :
- L’empreinte carbone, incluant les émissions directes (Scope 1), indirectes liées à l’énergie (Scope 2) et celles de la chaîne de valeur (Scope 3), reste au cœur de l’analyse.
- L’intensité carbone, exprimée en émissions par unité de production ou chiffre d’affaires, permet une évaluation sectorielle comparative.
- La compatibilité des trajectoires d’émissions avec l’objectif de 1,5°C est analysée via des écarts mesurés entre engagements, actions prévues et scénarios de référence.
- Ressources allouées :
- Les investissements (Capex) et coûts opérationnels (Opex) dédiés à la transition sont scrutés. Ces efforts doivent refléter un engagement sérieux tout en garantissant la viabilité économique.
- Le coût d’abattement (investissement par tonne de CO₂ évitée) est un indicateur clé de l’efficacité des solutions mises en œuvre.
- Données et reporting :
- Le cadre européen de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), en vigueur depuis 2024, impose une standardisation des données environnementales.
- Malgré cette avancée, les analystes doivent composer avec des données encore immatures et inégales, en exerçant un regard critique sur leur fiabilité.
- Évaluation des plans de transition :
- Les actions prévues par les entreprises, telles que l’efficacité énergétique ou la décarbonation des chaînes d’approvisionnement, sont analysées en termes de crédibilité et de faisabilité.
- Les ajustements nécessaires sont identifiés pour garantir l’alignement avec les objectifs climatiques.
- Gouvernance climatique :
- L’intégration des enjeux climatiques au plus haut niveau décisionnel, des systèmes de suivi aux politiques de rémunération, est essentielle pour une transition efficace.
- Les entreprises sont encouragées à développer une expertise interne sur les risques et opportunités climatiques.
Selon les auteurs du guide, l’harmonisation du cadre d’analyse extra-financière liée à la transition carbone recherchée est nécessaire mais non suffisante pour que les acteurs financiers jouent pleinement leur rôle consacré par l’article 2.1.c de l’accord de Paris*. Ils préconisent que ce cadre se traduise par des décisions opérantes, et in fine une allocation des flux financiers pour accompagner la transformation de l’économie réelle.
Consultation du guide complet ici
Samorya Wilson