Vincent Reynier, Président de la CRCC de Paris : « Les commissaires aux comptes ont un rôle central à jouer dans la crise »

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Vincent Reynier, Président de la CRCC de Paris, s'exprime sur la crise économique liée à la pandémie de Covid-19 et sur le rôle des commissaires aux comptes au soutien des entreprises.

Quel diagnostic faites-vous sur la santé des entreprises en France actuellement ?

Globalement, la situation des entreprises n’est pas aussi délabrée que certains veulent bien le dire. Certes, selon les secteurs d’activité, la situation est contrastée et il ne faut pas nier que certains domaines (aéronautique, tourisme, spectacle…) sont très impactés. Néanmoins, les différentes mesures mises en place par le gouvernement ont pleinement joué leur rôle et force est de constater, heureusement, que l’effondrement de l’économie annoncée par les catastrophistes n’est pas d’actualité. J’en veux pour preuve les statistiques issues des tribunaux de commerce et en particulier celles communiquées par le tribunal de commerce de Paris qui montrent que jamais la France n’a connu depuis plus de vingt ans un taux de défaillance aussi faible que celui constaté depuis dix-huit mois.

Cependant, lorsque l’on parle d’un diagnostic de santé des entreprises, il faut distinguer entre résultat et trésorerie et échéances à court ou moyen voire long terme. Ainsi, il semble de plus en plus évident que globalement cette crise totalement inattendue pourra être surmontée si ses effets sont sensiblement étalés dans le temps.

Quel est le rôle du commissaire aux comptes pour accompagner les entreprises en difficulté ? Quels sont les biais à privilégier pour aider les organisations selon vous ?

Les commissaires aux comptes ont un rôle central à jouer dans cette crise et ils vont enfin avoir l’occasion de démontrer leur réelle utilité tant mise à mal lors des débats sur la loi PACTE. Bien souvent, notre rôle demeure cantonné à la certification des comptes annuels. Or la prévention des difficultés, partie intégrante de notre mission, est quant à elle bien souvent réduite au strict vocable de procédure d’alerte, qui n’est que la résultante de notre démarche. Il ne faut surtout pas tomber dans le piège qui consisterait à vouloir multiplier les contraintes et les obligations, en délivrant des attestations au seul but inavoué de remplacer le chiffre d’affaires perdu à travers la loi PACTE. Plutôt que de se réfugier dans le giron du législateur qui a remis en question notre rôle, prouvons notre efficacité en devenant incontournable !

Les difficultés sont prévisibles quand on prend conscience du mur de la dette et de l’allongement considérable des délais octroyés ou potentiels pour solder les passifs. Leur détection le plus en amont possible conduit naturellement à envisager avec confiance les procédures amiables insuffisamment mises en œuvre malheureusement. L’accompagnement des entreprises par leur commissaire aux comptes dans le cadre de ces procédures constitue la priorité de notre profession. C’est ce que nous nous efforçons de faire à la CRCC de Paris, en coordination avec les tribunaux de commerce et en particulier avec celui de Paris.

A ce stade, comment envisagez-vous l'avenir et la sortie de crise pour les entreprises ?

Par nature, faire des prévisions ne constitue pas une science exacte. Pour sortir avec certitude de la crise, encore faut-il être certain que l’on soit sorti de la pandémie ! Néanmoins, si c’est le cas à la rentrée de septembre, certains indicateurs permettent d’envisager que la croissance puisse repartir de manière soutenue, à un niveau inconnu lors des vingt dernières années. L’envie de consommer est forte. Les fondamentaux de beaucoup d’entreprises françaises sont bons et les mesures d’accompagnement prises par le gouvernement, qui ont montré leur efficacité, ne vont pas disparaître du jour au lendemain, d’autant plus que nous rentrons en période électorale...

La grande chance dans cette crise est qu’elle est mondiale et que les modèles d’hier (maîtrise de la dette, réduction des déficits...) ne sont plus d’actualité. Certes le niveau d’endettement du pays peut donner le vertige mais ce n’est pas en étranglant les entreprises que l’on pourra s’en sortir. Je pense que globalement, nombreux sont ceux qui commencent à prendre conscience de cette réalité et cela ne peut que rendre optimiste. Après viendra le temps des réformes pour assainir une situation générale délicate mais cela se réalisera dans un second temps. Aujourd’hui, tout doit être axé sur la relance qui passe d’abord par les créateurs de richesse.