Décoder le langage corporel, un atout dans le cadre des négociations de reprise et cession d’entreprise

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Une tribune d'Olivier Meier, professeur des Universités, et Martine Story, fondatrice du cabinet Althéo.

Il nous arrive d’assister à une présentation, un discours, parfois très bien argumenté, et pour autant d’y percevoir des dissonances avec le sentiment diffus qu’il y a un décalage entre ce que la personne dit et ce que l’on ressent. Décoder le lange corporel de son interlocuteur, anticiper ses réactions, analyser les situations, comprendre ce qui se joue au-delà des mots, repérer les non-dits, permet de communiquer de façon plus efficace.

Dans le contexte particulier des opérations de fusions-acquisitions, décoder la communication non verbale de son interlocuteur peut se révéler un précieux atout, tant pour le repreneur que pour le cédant.

Pour une lecture pertinente du langage corporel, nous nous intéressons à trois dimensions, en particulier :
  • l’attitude corporelle générale,
  • les gestes,
  • les micro-mouvements et micro-réactions, à certains moments clefs des échanges.
L’attitude générale permet d’appréhender le langage corporel d’une personne avant même que celle-ci ne prenne la parole et d’obtenir, dès ces premières observations, de précieux éléments quant à la personnalité de son interlocuteur.
Le corps du cédant est-il souple et détendu ou bien est-il plutôt marqué par une certaine rigidité ?
Le repreneur occupe-t-il une place importante au sol, les pieds largement écartés, ou au contraire occupe t’il peu l’espace, pieds serrés, bras proches du corps ou cachés dans le dos ?
La première configuration est la marque d’une personne confiante, qui occupe pleinement l’espace. Dans le cas inverse, elle cherche à se faire discrète.

Certaines rides, imprimées au fil du temps, sont les marques d’un comportement maintes fois répété. A titre d’exemple, la ride dite de la glabelle, ride horizontale qui se trouve au-dessus du nez, est une ride que l’on voit se dessiner chez certaines personnes lorsqu’elles sont en colère. Cette ride, si elle est présente chez un individu, est la signature d’une personne sujette à des accès de colère.

Les gestes sont, quant à eux, le reflet de l’état de pensée de la personne lors de l’interaction, de l’échange.

Les gestes de fermeture (croisement des bras, des jambes, repli sur soi) signifient un désaccord, une désapprobation. A l’inverse, des gestes d’ouverture expriment un intérêt, une approbation, une acceptation. Il est donc particulièrement intéressant d’observer la dynamique des gestes du cédant et du repreneur lors des échanges, ainsi que la hauteur de ces gestes. En effet, des mouvements hauts sont des indices de satisfaction. Ainsi, une poignée de mains haute est souvent la marque d’un contentement. A l’inverse, des gestes bas sont des indices de moindre satisfaction.

Lorsque nous sommes assis, nous bougeons régulièrement et changeons de position de chaises sans même nous en rendre compte. Pour autant, un changement de position de chaises traduit un changement d’attitude mentale. L’observation des mouvements de chaise est aisée car visible. A titre d’exemple, le corps penché en avant du cédant au moment où le repreneur présente la valorisation de l’entreprise indique son implication. Penché en arrière, il signifie une forme de recul, de retrait. Il est probable, alors, que la valorisation présentée soit très en dessous de l’attendu.

Le sourire est également important à observer. Certes le sourire est le signe d’une émotion positive, mais il faut bien distinguer le sourire social, de pure convenance, qui n’implique que la bouche, et le « vrai » sourire, qui, fait intervenir les muscles des yeux, laissant apparaître des rides aux coins des yeux.

Il est également intéressant de prêter attention au regards échangés. Le regard est-il franc et direct ou au contraire fuyant, indice de malaise de la part de l’un ou des deux protagonistes.

Enfin la gestion du rythme des échanges et du silence est à prendre en compte. Un silence peut être lourd de sens et celui qui rompt le silence peut être amené à donner une information qu’il n’avait pas nécessairement prévu de donner.

Les micro-réactions sont quant à elles effectuées de façon non consciente. Elles sont l’expression d’un hiatus entre ce que nous exprimons verbalement et ce que nous ressentons réellement. La micro-réaction exprime alors une forme de contradiction, très intéressantes à observer. Fugaces, elles peuvent prendre la forme de micro-démangeaisons. Il est également très intéressant d’observer certains micro-mouvements, notamment au niveau de la bouche, qui peuvent apporter une mine d’informations sur le ressenti de l’un des deux protagonistes, qui peut alors exprimer, à son insu, et tour à tour, un refus de s’exprimer, une désapprobation, de l’agressivité, de la peur, ou encore du dépit ou du mépris.

Le décodage du langage corporel est une discipline de l’observation qui favorise une communication de qualité. Dans la configuration particulière d’une négociation entre un repreneur et un cédant, elle permet à celui qui en maitrise les codes, de repérer les non-dits, de faire émerger les désaccords et ainsi de créer les conditions favorables à l’établissement d’une relation de confiance, indispensable à la concrétisation d’une opération de transmission d’entreprise.