Les entreprises doivent s'engager encore plus fort pour affronter les défis environnementaux

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Walter France, présent lors du salon Produrable à Paris, a organisé une table ronde sur l'engagement : objet social ou objet économique ? Yveline Pouillot, spécialiste RSE du réseau Walter France, a orchestré les débats entre Michel Gire, associé Walter France, qui a expliqué pourquoi l'engagement responsable, individuel et collectif, est incontournable pour réussir la métamorphose de nos sociétés, Magali Payen, fondatrice de On est prêt, et Santiago Lefebvre, créateur de ChangeNOW.

Pour sauver la planète, ce sont les citoyens qui donnent l'impulsion et non le pouvoir politique, comme le démontrent les prises de conscience respectives des trois intervenants. Magali Payen, qui se destinait à être productrice de cinéma, s'est rapidement rendu compte de la puissance de mobilisation des fictions et des documentaires et a décidé de devenir productrice à impact. Son mouvement On est prêt utilise les réseaux sociaux pour inspirer l'action et coordonner vidéastes, experts et ceux qui agissent : activistes, ONG, entrepreneurs sociaux...

Santiago Lefebvre a toujours été passionné par la scène, l'évènementiel et par l'entrepreneuriat. Son « déclic » a eu lieu en 2015 lors de la Cop 21, en constatant la présence de grandes organisations d'un côté, des citoyens de l'autre, mais peu d'entreprises engagées au milieu. D'où l'idée de promouvoir l'entrepreneuriat à impact, en créant ChangeNOW, un salon qui rassemble les entreprises proposant des solutions innovantes pour le climat et la société.

Quant à Michel Gire, Co-Fondateur du cabinet d'audit, expertise et conseil GMBA Walter Allinial, il s'est vite rendu compte, avec Yveline Pouillot, qu'il faisait de la RSO – responsabilité sociétale des organisations – sans le savoir et a décidé d'aller plus loin en formalisant la démarche. Le cabinet est aujourd'hui labellisé ISO 26 000 (label Lucie). Au contact de multiples entreprises et institutions, son cabinet est un creuset de formation et a un impact important à la fois sur ses équipes et sur ses clients.

L'impulsion est donnée par les citoyens et les mondes politique et industriel doivent prendre le relais

Si l'engagement individuel est nécessaire, il n'est pas suffisant. « L'affaire du siècle » en est une illustration parfaite. Cette campagne de mobilisation initiée par On est prêt a démarré fin 2018 sur les réseaux sociaux : pendant un mois, 60 YouTubers proposaient un défi (je nettoie ma boîte mail, j'adopte une gourde et j'arrête les bouteilles plastiques...). Au bout d'un mois, 150 personnalités avaient rejoint le mouvement. L'idée de Magali Payen était de monter progressivement en puissance. Au milieu du défi, ce sont les maires qui ont été ciblés : plus de 10 000 messages leur ont été adressés. Et à la fin du défi, les internautes se sont tournés vers l'Etat, en soutenant les quatre ONG l'attaquant en justice pour inaction climatique. Cette opération – « L'affaire du siècle » – a récolté 2,3 millions de signatures ! Une surprise pour le gouvernement qui ne s'attendait absolument pas à une telle mobilisation.

Santiago Lefebvre est tout aussi convaincu que les actions citoyennes mettent la pression sur les instances politiques. Quant aux entreprises, elles ont un rôle extrêmement important à jouer, car ce sont elles qui peuvent développer les alternatives aux techniques polluantes qui permettraient aux pouvoirs publics de légiférer. Exiger une nouvelle réglementation favorable à l'environnement devient plus facile lorsque, grâce à un nouveau procédé développé par une entreprise innovante, il y a une alternative politique et socialement acceptable : « Ne nous dites pas qu'il est impossible d'imposer cette nouvelle réglementation, c'est possible, car voici l'innovation technologique alternative proposée par telle ou telle entreprise. » Pour que les projets aboutissent et que le pouvoir politique s'engage, Santiago Lefebvre préconise une véritable stratégie consistant à se concentrer sur un sujet, à « percer le front » puis à attaquer un autre sujet.

La démographie galopante impose de faire tout, tout de suite

En quelques siècles, la population de la planète est passée de 450 millions à plus de sept milliards. A ce jour, la courbe continue de grimper. Plusieurs études concluent qu'à douze milliards d'individus, la planète aura atteint tous les seuils de plafonnement. Rappelons que 10 % de la population émet 50 % des gaz à effet de serre et que c'est le mode de vie occidental qui pose problème, les pays avec la démographie la plus dynamique polluant le moins. D'où l'évidente nécessité d'agir sur tous les fronts, tout de suite.

Le développement harmonieux doit remplacer la croissance et la course au PIB

Pour Michel Gire, il y a bien longtemps que cette terminologie de « croissance » et « décroissance » aurait dû être abandonnée. Quant au PIB, censé mesurer la « production de richesse », il est devenu vide de sens. Qui peut encore sérieusement penser que l'augmentation de la consommation de combustibles due à un hiver particulièrement rigoureux, pris en compte dans le calcul du PIB, est véritablement un indicateur de performance ? Il est urgent de donner toute leur place aux critères qualitatifs, comme le font déjà certains pays nordiques qui intègrent la notion de bien-être.

Dans son cabinet d'audit, expertise et conseil, plus personne ne considère la course au chiffre d'affaires comme un objectif en soi. En revanche, la recherche d'un développement harmonieux et durable, fondé sur des critères qualitatifs, est plébiscitée par l'ensemble des équipes. La meilleure illustration en est le rapport intégré du cabinet, dans lequel les données financières et comptables ne représentent que quelques pages. Les Etats, selon Michel Gire, doivent impérativement sortir de cette logique de croissance-décroissance et mettre en avant des indicateurs qui donnent du sens. Une illustration de ce que devrait être ce changement de paradigme : au lieu d'inciter les Français, lors du déconfinement, à consommer plus pour dépenser les 100 milliards d'économies réalisées de mars à mai, le gouvernement devrait réfléchir à la manière de les encourager à dépenser mieux, à investir dans le développement durable ou la santé, par exemple.

Magali Payen rappelle que l'augmentation des gaz à effet de serre est totalement corrélée à la croissance du PIB et qu'il est urgent de prôner, à l'opposé des plaisirs fugaces, une autre forme de bonheur, profond et durable, qui recrée le lien entre l'humain et la nature, sans plus dépendre de la consommation.

Des mutations porteuses d'espoir

Les intervenants de cette table ronde ont tous mis en exergue quelques constatations porteuses d'espoir et d'optimisme :

  • Si des pans entiers de l'économie sont en « décroissance », d'autres secteurs créent de la valeur ajoutée durable : la réparabilité, l'agroécologie, etc.
  • Les étudiants qui recherchent leur premier emploi, pour la plupart, veulent trouver un job qui les motive, qui ait du sens pour eux et qui ne leur procure pas seulement un salaire.
  • L'année dernière, le salon ChangeNOW a rassemblé plus de 1 000 solutions pour l'environnement dans le monde, ce qui était impensable deux ans auparavant.
  • Les 150 personnes qui avaient été tirées au sort pour travailler sur la Convention citoyenne (autre initiative de On est prêt) après avoir réussi à réfléchir avec une approche systémique et rendu leurs préconisations, se sont constituées en association et surtout, ont inspiré d'autres conventions citoyennes, dans d'autres pays et plus localement. Magali Payen a invité les entreprises qui souhaitent soutenir officiellement les mesures proposées par les 150 à se manifester.

Pour Santiago Lefebvre, il devient évident que le combat environnemental et le combat social doivent être faits main dans la main. Des coalitions douces apparaissent et peu à peu des forces nouvelles s'agrègent. Les démarches entrepreneuriales se multiplient. « Pensez grand et commencez petit ! » recommande-t-il.

Pour Michel Gire : « Nous passons collectivement de la prise de conscience à l'action et la pression de la base sur le monde politique et institutionnel est forte et croissante. Chacun de nous doit s'engager et se comporter de manière responsable. Les entreprises ont évidemment un rôle majeur à jouer, elles s'engagent de plus en plus dans des démarches RSE et notre rôle en tant qu'experts-comptables et commissaires aux comptes est de les y encourager. »