Devoir de vigilance : la majorité des entreprises reste dans l’expectative

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Une étude du cabinet DWF sur le devoir de vigilance indique qu'une grande majorité d'entreprises ne sera pas en conformité avec la directive CS3D d'ici 2030. Même si certaines font des efforts en décarbonation, les lacunes en matière de normes règlementaires de mesure contribuent à cet écart.

Selon la dernière enquête du cabinet mondial de services juridiques et commerciaux intégrés DWF, publiée en novembre 2024 et intitulée « True Diligence – Preparing for a new era of corporate responability », il existe un décalage entre les engagements déclarés par les entreprises et leurs actions concrètes. Or les parties prenantes, telles les consommateurs, les investisseurs et les ONG, exigent davantage de comportement vertueux de la part des entreprises. Il en est de même au regard des nouvelles règlementations comme la directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (Corporate Sustainability Due Diligence Directive - CSDDD ou CS3D), publiée le 5 juillet 2024 ou encore la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) applicable depuis le 1er janvier 2024. La CS3D établit un cadre juridique harmonisé visant à promouvoir un comportement d'entreprise durable et responsable tout au long de la chaîne de valeur.

Une certaine prise de conscience

L’étude révèle 72 % des dirigeants internationaux interrogés affirment que la protection de l’environnement fait partie intégrante de la stratégie de leur organisation, de même que le respect des droits de l’homme pour 68 % des répondants. Quant aux émissions polluantes, 62 % des entreprises mesurent les émissions de gaz à effet de serre.

Il reste des lacunes à combler

Si les entreprises ont fait des avancées sur la mesure de leurs émissions de CO2 (62%), il en est autrement sur toute la chaine de valeur car seules 43 % d’entre elles mesurent leurs impacts environnementaux. De la même manière, moins de la moitié mesurent les pertes de biodiversité (47 %). 

Sur le plan social le décalage entre les engagements déclarés par les entreprises et leurs actions concrètes est encore plus significatif. Ainsi, seulement 53 % identifient les conditions de travail sûres et saines et 32 % mesurent les impacts des fournisseurs directs sur les droits humains. Or depuis 2011 et les Principes directeurs des Nations unies sur les entreprises et les droits de l'homme, la responsabilité des entreprises envers les droits humains est reconnue, mais sa mise en œuvre reste limitée.

En Outre, seulement 36 % ont cherché à identifier des salaires équitables dans leur chaîne de valeur, et 14 % ont exploré les risques d’esclavage moderne.

La réglementation fait peur

Face à un afflux de nouvelles régulations liées à la durabilité 6 dirigeants sur 10 affirment que leur entreprise aurait besoin d'une réglementation claire pour prendre des mesures immédiates, concrètes et évaluables. Par exemple 65 % des PDG admettent que leur équipe de direction est trop occupée pour élaborer un plan pour évaluer les impacts humains sur leur chaîne de valeur.

Coté France, 62 % des chefs d’entreprise déclarent que leur équipe dirigeante n’est pas informée des sanctions en cas de non-respect de la CS3D. Néanmoins, il faut savoir que le coût de la non-conformité est élevé : la pénalité maximale pour la directive CS3D pourrait atteindre 5 % du chiffre d’affaires global. Pourtant, seulement 27 % des dirigeants disent comprendre l’application de cette directive.

Contre toute entente, l’enquête souligne que les entreprises reconnaissent la nécessité d’être tenues responsables pour accélérer les progrès. Et ils sont 63 % à penser que des pénalités renforcées encourageraient des actions plus rapides.

Les dirigeants restent favorables à la CS3D

Malgré des défis et des retards dans l’approbation de la directive CS3D, les dirigeants la considèrent comme un catalyseur de changement, en particulier pour la responsabilité des entreprises dans la protection des droits humains. Ainsi, 62 % des dirigeants pensent que le CS3D est l’incitation la plus importante pour évaluer les impacts des entreprises sur les droits humains et 72 % espèrent qu’il inspirera des législations similaires dans d’autres pays.

Rappelons que la CS3D s'appliquera à environ 6 000 entreprises de l'UE et 900 entreprises de pays tiers. Ce sont les sociétés de plus de 1 000 salariés et réalisant un chiffre d'affaires net mondial supérieur à 450 millions d'€.

Bien que la directive ne couvre pas directement toutes les organisations, ses effets se feront sentir dans toutes les chaînes de valeur. Cela impactera non seulement les grandes entreprises, mais aussi les PME, qui ressentiront davantage la pression.

À noter que la CS3D et la CSRD, même s’il s’agit de deux textes différents, sont conçus pour fonctionner de manière complémentaire. Le champ de la CS3D est plus large, car elle inclut la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises et donc la CSRD.

Selon les auteurs de l’étude, « une régulation comme le CS3D offre aux dirigeants un impératif commercial. Mais les régulateurs doivent également fournir les outils et les conseils nécessaires pour faciliter la conformité ». Ils conseillent à toutes les entreprises « d’avancer pour suivre le rythme de cette nouvelle ère de responsabilité, même sans CS3D ».

Samorya Wilson